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droit. Peut-être essaiera-t-on de l’intimider par la menace d’un procès. Mais si, fort des vérités dont il a plein la main, il menace à son tour d’en dire davantage ; de publier, s’il le faut, son livre à l’étranger, oh ! alors la famille, fût-ce les Castellane ou les Broglie, rengaine et fait retraite avec sa courte honte.

Eût-elle pas mieux fait de se tenir tranquille ? Laissez le moraliste, qu’il soit illustre ou obscur, scruter en liberté la vie et l’âme de ceux à qui vous tenez : ce qu’il y a de vivant dans leur immortalité n’en ressortira que mieux. Son impartialité vous répond de sa justice. Il dissèque le cœur humain comme le chimiste un poison subtil ou le zoologiste un beau serpent. L’ardeur qu’il met à son analyse, lui dissimule, tant qu’elle dure, les dangers du venin. Même après l’opération, il lui reste un grain de faiblesse pour les vices : « Ne me parlez pas des gens vertueux, disait parfois Sainte-Beuve, ils sont assommants. Les coquins, à la bonne heure ! avec eux, on ne s’ennuie jamais[1]. »

  1. Le propos n’est qu’une boutade. Il avait néanmoins à ce sujet des idées fort ingénieuses qu’il expliquait à ravir.