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moins de presser les lèvres que la mort allait flétrir[1].

Quoi qu’il en soit, et nonobstant cette brouille finale, il lui dut les dix années les plus heureuses de sa vie (1837-1848), celles du moins où son existence fut arrangée le plus à son gré, selon son rêve. La matinée, racontent ses biographes, était consacrée au travail courant ; l’après-midi, à quelque lecture de choix ou à quelque flânerie poétique. Le soir, il allait dans les salons, chez Mme de Broglie, chez Mme de Boigne ; causait avec esprit, avec feu ; observait, et, rentré chez lui, notait dans son journal intime mille souvenirs intéressants, des anecdotes curieuses, de fines remarques morales.

  1. Pour ceux qui voudraient plus de détails sur Mme d’Arbouville, j’ajoute qu’elle est auteur de poésies fort tristes et de cinq nouvelles publiées par la Revue des Deux-Mondes. Ses œuvres ont été réunies en deux volumes in-12, chez Amyot. Sainte-Beuve mettait tant de réserve dans ses relations avec elle, que lorsque la Revue inséra le Médecin de Village, le 15 mai 1843, ce ne fut pas lui, mais son ami Ch. Labitte, qui écrivit, pour encadrer la nouvelle et lui servir d’introduction, un morceau intitulé : Le Roman dans le monde. Après la mort de Mme d’Arbouville, il refusa de se charger de l’article que l’on désirait consacrer à sa mémoire, ne voulant pas, dit M. d’Haussonville, « élever son tombeau de ses propres mains ».