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de la plus jeune des deux charmantes filles qui remplissaient de poésie le salon de leur vieux père. Il a raconté, avec bien de la délicatesse, une des scènes d’intérieur qui avaient pu encourager ses espérances. Un soir, pendant qu’il laissait errer une main distraite et ignorante sur le clavier d’un piano encore tout frémissant des accords qu’elle venait d’exécuter, l’aînée s’approcha et dit avec un sourire : « Essayez, qui sait ? les poëtes savent beaucoup d’instinct. Peut-être savez-vous jouer sans l’avoir appris. — Oh ! je m’en garderai bien ; j’aime mieux me figurer que je sais, et j’aime bien mieux pouvoir encore me dire : peut-être ! — Elle était là, elle entendit et ajouta avec sa naïveté fine et charmante : — C’est ainsi de bien des choses, n’est-ce pas ? Il vaut mieux ne pas essayer pour être sûr. — Oh ! ne me le dites pas, je le sais trop bien, lui répondis-je avec une intention tendre et un long regard. Je le sais trop et pour des choses dont on n’ose se dire : Peut-être ! — Elle comprit aussitôt et se recula, et se réfugia toute rougissante auprès de son père. »

Lui-même est ému et devient timide, preuve