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avec zèle et le sermonnait de son mieux. On comptait beaucoup pour le succès de cette bonne œuvre sur M. Vinet, le grand homme de ce petit monde, qui était arrivé à Lausanne en même temps que Sainte-Beuve, dont celui-ci estimait la haute valeur morale et auquel il témoignait toutes sortes de respect.

D’après ce qu’on dit de M. Vinet, il devait avoir trop de tact et d’intelligence pour accepter pareille mission. Proposer à un homme d’honneur de changer de religion, c’est lui faire la plus mortelle injure. Les dévots, dans leur ridicule suffisance, ne comprennent pas cela. Aussi les âmes pieuses ne cessaient d’assiéger M. Vinet, qui avait le tort de se prêter à ce rôle, lui demandant : « Eh bien ! est-il converti ? » À quoi il répondait avec impatience : « Si vous voulez savoir le fond de ma pensée, je le crois convaincu et non pas converti. »

Bien entendu, Sainte-Beuve n’était ni l’un ni l’autre. Il n’avait jamais vu dans ces combinaisons réputées divines que les plus belles des illusions ou, si vous voulez, des espérances humaines. Sa parole n’excédait pas sa pensée