Page:Pons - Sainte-Beuve et ses inconnues, 1879.djvu/151

Cette page n’a pas encore été corrigée

Je ne voudrais rien exagérer et ne pas attribuer à P. Leroux une influence plus grande qu’il ne l’eut sur ses contemporains ; mais il m’a semblé juste d’indiquer la source des tendances que nous verrons se dessiner en avançant dans le caractère et dans les écrits de Sainte-Beuve. Il a lui-même avoué, avec sa bonne foi habituelle, une partie de ce qu’il dut à cette école. « Le saint-simonisme que j’ai vu de près et par les coulisses m’a beaucoup servi à comprendre l’origine des religions avec leurs diverses crises, et même (j’en demande bien pardon), Port-Royal et le christianisme. » Ce n’est pas assez dire, il y reçut le baptême, ou si vous aimez mieux, la confirmation d’une foule d’idées et de sentiments qui existaient en germe dans sa nature généreuse, mais qui pouvaient bien ne pas se développer sans cette initiation. Quant à Pierre Leroux, ce fut proprement pour lui un précurseur à qui il reconnaît une intelligence supérieure, une puissance confuse, un cerveau ubéreux[1], dont il profita pour faire sa provision

  1. Le pauvre diable avait conscience de son infirmité. Il écrivait à Béranger : « Quand je suis ainsi empêtré dans un monde d’idées et de faits soulevés dans ma tête, je deviens une brute, incapable de toute antre chose. » Et le malin chansonnier, écrivant à son tour à Hippolyte Fortoul, à propos d’une visite que J. Reynaud lui avait faite à Fontainebleau, ajoutait : « Il m’a promis de m’envoyer Leroux. Vous feriez bien de le conduire jusqu’ici, pour qu’il ne se perde pas en route. »