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fut pas l’homme. Contrairement à la tradition des Ariane, des Médée et des Didon, ce fut Don Juan que l’on planta là et à qui on laissa le désespoir et les jérémiades. Les Nuits sont assurément des poésies immortelles, mais elles n’attestent pas, chez celui qui les a écrites, une grande dose de masculinité. Pour l’honneur du sexe barbu, on les voudrait moins larmoyantes[1].

Les confidences entre Mme Sand et Sainte-Beuve continuèrent avec la même liberté jusqu’après l’éclat de sa rupture avec Musset. Il y

  1. Les gens de lettres le sont jusqu’au bout. Oublier ses passions dès qu’on les a satisfaites ou n’en garder qu’un vague souvenir au fond du cœur, cela est bon pour le vulgaire. Avec les poëtes et les romanciers, tout ne finit pas ainsi. Restent les lettres et les témoignages écrits. Voilà de quoi composer des livres ; c’est un texte de copie tout trouvé. Les deux amoureux le savaient si bien qu’ils décidèrent, en rompant, de confier leurs billets doux à un notaire, pour être remis au dernier survivant. Après la mort de Musset, Mme Sand hérita du paquet. Mais avant de le livrer à l’impression, elle consulta le confident. Sainte-Beuve, peu flatté d’avoir à relire ces vieux poulets, me chargea de la besogne. Étais-je d’un sens trop grossier ? Le fait est que tout cela me parut fort déclamatoire et vide. Il me semblait feuilleter un tome de la Nouvelle Héloïse, et je l’avouai franchement. Sans doute mon impression fut transmise telle quelle à Mme Sand, car elle brûla, dit-on, ces lettres, — après en avoir laissé prendre quelques copies.