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M. Villemain lisait un jour à Sieyès son éloge de Montaigne. Quand il en fut au passage où il est dit : Mais je craindrais en lisant Rousseau d’arrêter trop longtemps mes regards sur de coupables faiblesses qu’il faut toujours tenir loin de soi, Sieyès l’interrompit en disant : « Mais non, il vaut mieux les laisser approcher de soi pour pouvoir les étudier de plus près. » Le dirais-je ? je suis comme Sieyès. — Les tribunaux sont de mauvais juges en ces matières, et on a beau jeu sur le mur de la vie privée. C’est un beau thème à l’avocat général.

La plupart des hommes, d’ailleurs, n’ont pas lu ceux qu’ils jugent : ils ont une prévention première acquise par ouï-dire et on ne sait comment ; ils ont lu, à travers cela, quelques pages de vous, à la volée, et ils ignorent complétement l’origine littéraire et politique de l’homme, la suite de ses écrits recueillis ; ils n’ont pas même eu entre les mains les principaux de ses ouvrages et ceux sur lesquels il a consumé des années. —