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vers. Je voudrais qu’ils ressemblassent davantage à ceux de la Fontaine. » Excellent conseil, plus facile à donner qu’à suivre. Sainte-Beuve comprit sans doute la leçon. Puis, sa maîtresse le négligeait, l’ardeur première allait s’attiédissant ; mieux valait rompre. Romantisme, poésie[1], amour, il envoya tout au diable et d’un ton vibrant :

     Osons tout et disons nos sentiments divers :
     Nul moment n’est plus doux au cœur mâle et sauvage
     Que lorsque, après des mois d’un trop ingrat servage,
     Un matin, par bonheur, il a brisé ses fers.

     La flèche le perçait et pénétrait ses chairs,
     Et le suivait partout : de bocage en bocage
     Il errait. Mais le trait tout d’un coup se dégage :
     Il le rejette au loin tout sanglant dans les airs.

     Ô joie ! ô cri d’orgueil ! ô liberté rendue !
     Espace retrouvé, courses dans l’étendue !
     Que les ardents soleils l’inondent maintenant !

     Comme un guerrier mûri, que l’épreuve rassure,
     À mainte cicatrice ajoutant sa blessure,
     Il porte haut la tête et triomphe en saignant.

  1. Je ne tiens pas compte des Pensées d’août, publiées plus tard, en 1837, et qui ne sont que de la prose rimée, sans rien de poétique.