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recueil, Joseph Delorme, fit du bruit. J’en dirai brièvement les raisons.

Pour qui ne se paie pas de mots, l’idéal en religion, en littérature et en art, n’est que l’image de l’homme lui-même, aperçue dans un nuage, où il se complaît à la voir affranchie de ses misères et de ses imperfections. Dans les siècles de barbarie, le nuage, éloigné de la terre, reproduit l’image en silhouettes gigantesques où, loin de nous reconnaître, nous croyons deviner des êtres supérieurs, qui nous inspirent tantôt de l’effroi, tantôt du respect ou de l’admiration. Mais à mesure que la race humaine s’améliore, le nuage s’abaisse, l’ombre devient moins effrayante, plus semblable à nous.

Supposez un instant que, par impossible, une nation soit parvenue, à force de culture et de progrès, au degré de perfection le plus complet que sa nature comporte, il n’y aura plus de nuage, et l’idéal se confondra avec la réalité. Chaque individu sera à lui-même son propre poëte, son artiste, son pontife, et ne célébrera, n’adorera, ne reproduira que lui, jouissant de