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pris pour elle d’une affection particulière et un jour que, pour apporter sans doute un secret message, elle était venue à la chambre du bon ami de sa maman, il lui dit en vers faciles et d’un accent attendri :

      Enfant délicieux que sa mère m’envoie,
      Dernier-né des époux dont j’ai rompu la joie ;
      De vingt lunes en tout décoré, front léger,
      Où les essaims riants semblent seuls voltiger,
      Où pourtant sont gravés, doux enfant qui l’ignores,
      Pour ta mère et pour moi tant d’ardents météores,
      Tant d’orages pressés et tant d’événements,
      Depuis l’heure innocente où, sous des cieux cléments,
      Sous l’ombre paternelle immense, hospitalière,
      Nous assistions, jeune arbre, à ta feuille première ;
      Jeune arbre qu’à plaisir a cultivé ma main,
      Qui toujours m’apparais dans mon ancien chemin
      Comme un dernier buisson, une touffe isolée ;
      Enfant qui m’attendris, car pour nous tu souffris,
      Qui dus à nos chagrins tes sucs presque taris,
      Et restas longtemps pâle. — Enfant qu’avec mystère
      Il me faut apporter comme un fruit adultère,
      Oh ! sois le bien venu, chaste fruit, noble sang !
      Que ma filleule est grande et va s’embellissant !
      Et ce sont tout d’abord, au seuil de ma chambrette,
      De grands yeux étonnés, une bouche discrète,
      Presque des pleurs, enfant, mais bientôt les baisers.
      Les gâteaux t’ont rendu tes ris apprivoisés,