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le croirait-on ? au cimetière Montparnasse. Ce choix réfrigérant était-il dû à l’amour du contraste ? Se sentaient-ils plus disposés à jouir des plaisirs de la vie en présence des tombeaux ? Le poëte voulait-il engager par là sa maîtresse à mettre à profit une existence de si peu de durée ? Je ne sais, mais le fait est certain. Lisez plutôt :

     Les plus gais de nos jours et les mieux partagés
     Sont ceux encore où seuls, et loin des yeux légers,
     Dans les petits sentiers du lointain cimetière,
     Ensemble nous passons une heure tout entière.
     En ce lieu qui pour nous garde des morts sacrés,
     Nos pas sont lents et doux, nos propos murmurés ;
     Rarement le soleil, débordant sur nos têtes,
     Rayonne ce jour-là ; de nos timides fêtes
     Les reflets mi-voilés ont gagné la saison :
     C’est vapeur suspendue et tiède nuaison[1].
     Si quelque veuve en deuil dans le sentier se montre,
     Un cyprès qu’on détourne évite la rencontre.
     La piété funèbre, errant sous les rameaux,
     Donne au bonheur discret le souvenir des maux,
     Le prépare à l’absence ; et quand, l’heure écoulée,
     On part, — rentré chacun dans sa foule mêlée,
     On voit longtemps encor la pierre où l’on pria,
     Et la tombe blanchir sous son acacia.

  1. Limes erat tenuis, longa sub nubibus umbra. (Ovide.)