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XXII
notice

ne recèle pas, pour une âme rêveuse, la moindre parcelle de tout ce qui se rattache à ces grandes choses : un débris de liège dans la mer, une feuille dans le vent, une traînée d’atomes dans un rayon de soleil ?

Qu’avez-vous vu, Poncy, dans ces parcelles infimes, quand vous vous êtes laissé prendre à elles, et que vous êtes resté debout, sur le port, une heure entière à les considérer ?

Ce liège, que la même vague porte et remporte dans une oscillation incessante, et qui a tant de mal à prendre terre : est-ce un vaisseau de haut bord luttant contre l’orage près de la côte ? Est-ce la dernière missive, le dernier signal d’existence que le naufragé, en sombrant, a confié à la mer, et que la mer, en messager fidèle, veut rendre au monde habité ? Est-ce le désir humain, sans cesse attiré et sans cesse repoussé ? Cette feuille, que pousse et ballotte le vent : est-ce l’espoir, est-ce l’amour, est-ce la promesse, est-ce la vie de l’homme : quatre jouets d’un souffle ? Est-ce une âme coupable que l’esprit de justice chasse dans le gouffre ? Cette traînée d’atomes tourbillonnant au soleil, est-ce une myriade d’êtres inconnus ?