Page:Poncy - Poésies, vol. 1, 1867.djvu/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
VI
notice

ces, exactes ou inexactes, dont elle est grosse et qu’elle enfante les unes après les autres, la poésie se transforme et s’attiédit. Elle fait comme la croûte du globe : elle perd graduellement sa chaleur. C’est précisément en l’absence du raisonnement qu’elle naît sublime dès son début ; et la poétique, la critique, l’art colligé en principes, qui viennent ensuite, ne peuvent plus atteindre à ce premier essor. « À certaine mesure basse, dit Montaigne, on la peut juger par les préceptes et par art : mais la bonne, la suprême, la divine est au-dessus des règles de la raison. »

Qu’arrivera-t-il donc de nous, société de raisonneurs et de spéculateurs ? Tandis que la réflexion, la controverse, la logique froide et sévère, tuant la naïveté, les croyances, les élans passionnés, tariront dans l’esprit ces sources de poésie, un autre phénomène social en viendra dessécher jusqu’au moindre filet dans le cœur. Le confortable nous saisira et nous sensualisera de tout côté. Nous dirons avec le mathématicien : Qu’est-ce que cela prouve ? et avec le spéculateur : Qu’est-ce que cela rapporte ?