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Me voilà donc dans la rue,
Emmi la foule bourrue,
Avec ce nez triomphant.
Pour l’un, j’étais le « nasique »
Monarque de la Belgique,
Pour l’autre un jeune éléphant.

Fort heureux, en fin de compte,
Qu’on se trompât sur ma trompe.
J’étais donc sans nul émoi,
N’ayant qu’une seule envie,
C’est de traverser la Vie,
De tous ignoré, fors moi.

Je suivis de préférence,
Comme aussi par déférence,
Un char, où quelques « beautés »
Faisaient cortège à la Reine,
Me croyant à la sereine
Époque des Royautés.

Et plus j’étais anonyme,
Et plus, en mon for intime,
J’allais me gorgiasant.
Mon Dieu ! qu’il faut peu de chose
Pour voir l’existence en rose !
Un nez, c’est bien suffisant.