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J’ai l’estomac comme un vrai macadam.
Et dans mon crâne où charbonne la lampe
De ma raison, je crois sentir un « tram »,
Qui va, qui vient de l’une à l’autre tempe.

Bien entendu (faut-il d’autres, motifs ? )
Mon appétit se ferme, loin qu’il s’ouvre,
Trahi qu’il est par ces apéritifs.
Le lundi, certe, est moins fermé le Louvre.

Je sors du cabaret, dans quel état !
Sombre, hargneux, le cœur d’un vague extrême.
Je voudrais bien que quelqu’un m’embêtât
Qui secouerait le dégoût de moi-même.

Et je songe, en promenant mon ennui,
De ci, de là, ventre flou, tête close ;
Dire qu’hier j’étais comme aujourd’hui,
Et que demain, ce sera même chose !

Ce que, d’ailleurs, je ne m’explique pas,
C’est que j’ai beau cent fois changer de route,
Toujours, toujours je reviens sur mes pas
Et me retrouve, et sans que je m’en doute,

— Comme attiré par quelque hameçon —
Chez mon bistro, pour mon thé de cinq heures.
Là, je demande une absinthe au garçon,
En me disant : vieux pochard, tu m’écœures !