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Polichinelle

battre et d’être un vert-galant, et la complexité de ses joies est bien faite pour amuser les spectateurs et surtout les jeunes spectateurs ; mais le secret de ses triomphes, c’est qu’il est fort, qu’il tape bien, qu’il se décide tout de suite à frapper. Il va dans la vie comme la boule du jeu de quilles, en abattant tout, et les enfants s’amusent toujours à voir tomber les quilles, et même les gens. Une chute provoque chez la plupart des humains un éclat de rire ; après ils réfléchissent, ils s’empressent pour frictionner la victime et lui demander si elle n’a pas eu de fracture ; mais avant, ils ont ri ; ne fut-ce qu’un millième de seconde, l’homme qui tombe leur a paru comique, irrésistiblement.

C’est ce sentiment de joie devant le malheur d’autrui que Polichinelle exploite ; c’est le secret de sa formation, de sa vie, de son mythe. On y ajoute (comme dans la pièce que nous republions) l’instinct non point de justice, mais de représailles et cela, non plus, n’était pas fait pour éloigner de lui sa petite clientèle. Le pardon des injures n’est pas inscrit dans l’âme humaine, il s’apprend. L’enfant contient en germe toutes les colères et tous les coups de poing ; l’éducation le désarme, peu à peu, et la crainte ; il voit dans Poli-