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ments de l’ambition, premiers aiguillons de la gloire entrevue, je vous reconnais tous, tous — un peu moqueurs peut-être, bien décevants sans doute, mais si beaux, si beaux !…

Et puis les silencieuses promenades à deux, par les sentiers agrestes, dans les mystérieuses tombées des soirs, au bercement des rumeurs lointaines, sous la feuillée moins palpitante que les poitrines !

Et puis les étourdissantes et grisantes soirées d’étudiants, où, parmi les francs éclats de rire et dans le brouhaha des propos tapageurs, l’éclair des cerveaux — qu’on me permette cette figure assez fantasque pour être en situation — irise de ses reflets les ondoyantes spirales qui montent des pipes et des cigares !

Et puis la chevauchée du rêve, la chevauchée emportée de l’imagination les rênes sur le cou, les cheveux au vent, le front dans les étoiles, qui dévore l’espace, qui éperonne le temps, farouche, éperdue, inassouvie, lançant à toutes les brises et à tous les échos l’éternelle chanson d’ivresse, éternellement tendre, éternellement folle, éternellement regrettée !

Je n’ai pas besoin de dire que le chanteur de ces refrains est un vrai poète : tous ceux de son âge qui ont une âme, un cœur et une intelligence le sont.