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T’en fit l’objet, et le juge, et le prix.
Ouvre les yeux, son flambeau va te luire ;
Vois, connois tout. Le charme est de s’instruire.
Suis pas à pas ton instinct curieux :
C’est un bonheur inconnu même aux dieux ;
Ils savent tout. Adore ton partage ;
Sors doucement du berceau de ton âge.
J’aime une fleur lente à s’épanouir :
C’est par degrés qu’il faut plaire et jouir.
Hélas ! Mon ame, à l’amour tout entière,
Trop diligente, épuisa la matière ;
Je dévoilai les secrets de Cypris :
Amour, pourquoi m’en avoir tant appris ?
Ou que ne puis-je, ô maître que j’adore,
Oublier tout, pour m’en instruire encore !


fOJESJTMJS nilf] MISES. MADRIGAUX. Par un baiser, Corinne , éteins mes feux ! — Le voilà ; prends. — Dieux ! mon âme embrasée Brûle encore plus... Encore un ! — Sois heureux, Tiens... — Mon ardeur n’en peut être apaisée ; Corinne, encore !... Ah ! la douce rosée ! — En voilà cent pour combler tous tes vœux : Es-tu bien ? dis. — Cent fois plus amoureux. — En voilà mille, est-ce assez ? — Pas encore, Un feu plus grand m’agite et me dévore... Corinne ? — Eh bien ? dis donc ce que tu veux. Le dieu d’amour a déserté Cy thère , Et dans mon cœur le transfuge s’est mis : De par Vénus, trois baisers sont promis A qui rendra son fds à sa colère. Le livrerai-je ? en ferai-je mystère ? Vénus m’attend ; ses baisers sont bien doux ! O vous, Daphné, qu’il prendrait pour sa mère, An même prix , dites , le voulez-vous ? J’ignore si mon âme , aux Parques asservie , Doit retrouver un jour le néant ou la vie : Mais , ô dieux ! si Corinne a trahi ses sermens , A mes yeux pour jamais éteignez la lumière ; Pour dérober cette âme à d’éternels tourmens , Dan» les flots du Léthé plongez-la tout entière : BERNARD. 283 Mais si son cœur fidèle est le prix de mon cœur , Grands dieux, ouvrez l’Olympe à mon âme immortelle Pour éterniser avec elle Le souvenir de mon bonheur. Quel est , ô dieu ! le pouvoir d’une amante ! Quand je voyais Paris, Achille, Hector, La Grèce en deuil , et Pergame fumante, Quels fous ! disais-je ; Homère qui les chante Est plus fou qu’eux ; je n’aimais point encor. J’aime , et je sens qu’une beauté trop chère De ces fureurs peut verser le poison : J’approuve tout : rien n’est beau comme Homère : Atride est juste , et Paris a raison. LE PORTRAIT. Qu’un autre amant soit épris Des charmes d’une déesse : A ma bergère , à Doris , Je dois le trait qui me blesse. J’ai chanté cent fois l’Amour ; Lui seul eut tous mes hommages : Ce dieu me donne , à son tour, Le plus beau de ses ouvrages. Quand ses traits frappent mes yeux , Les rangs ne me touchent gnères : Doris connaît peu d’aïeux ; Mais mille Amours sont ses frères. Son cœur, tout au sentiment , Ne veut esprit ni système : Aussi tel est son amant ; Ce n’est pas Newton qu’elle aime. Baiser, regard et soupir, Voilà tout notre langage : Mon étude est son plaisir ; Mon plaisir est son ouvrage. Elle a cet aimant vainqueur Qui retient ce qu’il attire : Sa voix est le son du cœur, Qui d’un seul mot sait tout dire. Son teint n’est que sa couleur : Digne d’enchanter Zéphyre ,