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Et, punissant une indocile erreur,
Garde un Atys pour Cybèle en fureur.
Craignez l’amour, étudiez son heure :
La beauté fuit ; le cœur entier demeure,
Sèche, languit, et, tout percé de traits,
Est dévoré du serpent des regrets.
Mais nous, chargés des plaisirs du bel âge,
De leurs attraits précipitons l’usage,
Et, combattant d’imbéciles efforts,
Par les plaisirs sauvons-les des remords.
Ne prétends pas, toi qui veux les surprendre,
Du même assaut les forcer à se rendre.
J’offre à tes pas mille sentiers ouverts :
Car selon l’âge il est des soins divers.
Un jeune objet, enchanté de lui-même,
Veut qu’on le flatte encor plus qu’on ne l’aime :
L’amant qui loue est l’amant couronné ;
Avant l’amour l’amour-propre étoit né.

L’ambitieuse, en proie à sa manie,
Doit à l’intrigue asservir ton génie ;
Fuis le repos, vois les grands, suis la cour,
Et fais servir la fortune à l’amour.
La beauté vaine au luxe s’abandonne,
Et s’attendrit des fêtes qu’on lui donne.
Amants d’éclat, courtisans de renom,
Vous que décore et produit un beau nom,
D’un air d’audace abordez les cruelles,
D’écrits galants inondez les ruelles ;
Amants par faste, et volages par goût,
Vous n’aimez rien quand vous adorez tout ;
Mais vous plaisez par le charme suprême
D’un air, d’un ton, d’un ridicule même ;
Brillants auteurs des scandales du temps,
Trop dangereux si vous étiez constants.
Toi qui, loin d’eux, dans la route commune,
N’es comme moi qu’un soldat de fortune,
Sans ces secours vole au combat, suis-moi,
Et par toi seul ose suffire à toi.
Pour mieux séduire, apprends à te contraindre :
L’amour permet l’art que l’on met à feindre.
Amant soumis, protée adorateur,
Voile ton front du masque adulateur ;
Ris si l’on rit, pleure si l’on soupire ;
Ris d’une folle, imite son délire :
Pour une muse orne ce que tu dis :
Est-on dévot ? Sois dévot, et médis :
Fuis ce qu’on hait, encense ce qu’on loue,
Gai si l’on chante, et dupe si l’on joue.

Au ton d’esprit qui triomphe aujourd’hui,
Sans soin du tien, veille à celui d’autrui.
Dis ce qu’on sait, prête un mot qu’on oublie ;
Amène un trait, prépare une saillie ;
Lent à briller, fais qu’on brille en tout point ;
Humble artisan de l’esprit qu’on n’a point,
Adore tout pour te rendre adorable :
Qu’il est aimé celui qui rend aimable !
Ô qu’en amour l’exemple est triomphant
Pour entraîner un cœur qui se défend !
Aux yeux charmés d’une timide amante,
De nos beautés peins la foule galante ;
Porte à l’excès leur penchant amoureux ;
Rends tout amant, tout aimé, tout heureux.
Offre en tous lieux la Circé de Pétrone ;
Comme Bussi peins les mœurs de D’Olone ;
Donne à chacune une intrigue, un amant.
Si le vrai nom t’échappe en ce moment,
Nomme toujours ; cite un tel, fais connoître
Celui qui l’est, qui le fut, qui va l’être :
Auteur fécond d’anecdotes d’amours,
Vois tes succès naître de tes discours.
L’exemple alors est un ordre suprême :
Des feux d’autrui l’on s’embrase soi-même.
Si ta Vénus brûle d’un autre amour,
Diffère un temps à parler à ton tour ;
Couvre tes soins du bandeau de l’estime ;
Deviens l’ami, le confident, l’intime.
L’amant suivra, favori spectateur,
Et le témoin sera dans peu l’acteur.

Aux petits soins, enfants de la tendresse,
Ajoute encor des dons de toute espèce.
Dans nos cités, le luxe ingénieux
Prête aux amants des secours précieux ;
Dans le hameau, la simple timarette
N’attend d’Hylas que son chien, sa houlette :
Mais Danaé veut, pour prendre des fers,
Voir briller l’or de cent bijoux divers ;
Pour l’enrichir de fragiles merveilles,
L’art et la mode ont épuisé leurs veilles ;
Et Clinchetel, plus séduisant encor,
Y joint ses dons, plus à craindre que l’or.
D’un rien souvent une belle s’enflamme,
Et par les yeux le trait passe dans l’ame.
Qu’elle ait par toi ces livres séducteurs
Faits pour l’amour : l’amour a ses auteurs,
Agents muets dont l’atteinte est certaine,
D’Urfé, Quinault, Pétrarque, La Fontaine,
Pétrone, Ovide, et mon Tibulle aussi.
Le premier voile est par eux éclairci.
On conjecture, on soupçonne, on devine ;
Le cœur raisonne, et l’instinct s’achemine :