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Qu’un jeune amant, pour plaire à vos regards,
Ait le teint, l’âge, et la taille de Mars :
Sans ces attraits qu’à Florence on renomme
La santé mâle est la beauté de l’homme.
Trouvez pourtant, s’il se peut, réunis
Les dons d’Alcide et les traits d’Adonis :
S’il faut des deux que votre goût décide,
Vous rougirez ; mais vous prendrez Alcide.
Pour ajouter la peinture à ces traits,
D’un paysage égayons nos portraits.
La cour de Pan vit un jeune satyre,
Novice encor dans l’amoureux martyre,
De ses ardeurs dévoré nuit et jour,
Impatient des premiers feux d’amour.
Sans trop d’éclat, le demi-dieu sauvage
Joignoit la force aux graces du bel âge.
D’un front d’audace et d’un œil d’attentat
Pronostiquant les mœurs de son état,
Il poursuivoit dryades et napées,
Ou sous l’écorce, ou sous l’onde échappées :
Toutes fuyoient son aspect indécent.
De sa laideur lui-même rougissant,
Il crut un jour corriger la nature,
Et de roseaux se fit une ceinture.

Mais quel espoir qu’un faune se contînt ?
Il n’est roseau ni feuillage qui tînt.
Il ignoroit qu’à ses maux plus sensible
La jeune églé n’étoit point invincible.
Elle le vit, cet objet de terreur,
Et son maintien ne lui fit point horreur.
Elle fuyoit : mais églé dans sa fuite
Tournoit la tête ; églé fuyoit moins vite.
Le faune ardent, pour revoir ses appas,
Ou devançoit ou suivoit tous ses pas.
Errant un jour, dans sa fougue incertaine,
Au fond d’un bois il vit une fontaine
Qu’on appeloit fontaine de beauté :
Toute laideur sur ce bord enchanté
Disparoissoit. Dans sa douleur profonde
Il veut tenter le miracle de l’onde :
Il entre. à peine il en touche le bord,
Son pied de faune y disparoît d’abord,
Sa jambe après ; l’eau montant à mesure
De ses genoux passoit à la ceinture :
Ainsi croissoit le prodige des eaux.
Un cri sortit tout-à-coup des roseaux :
« Demeure, attends, fuis cette onde funeste ;
Ah ! Garde-toi d’embellir ce qui reste !
Charmant satyre, hélas ! Que deviens-tu ! »
C’étoit églé, qui, malgré sa vertu,
Cédant alors à sa crainte ingénue,
Entre ses bras s’élance à demi nue.
De ses conseils églé reçut le prix
Sur ce bord même où le satyre épris
Perdit la fleur qui causoit son martyre.
Eh ! Quel trésor que la fleur d’un satyre !
Que sans emblème un maître plus profond
Montre au beau sexe à démêler à fond
La laideur mâle et la beauté débile :
Ma plume est chaste, et le sexe est habile.


CHANT SECOND


Des dons du ciel le plus cher à nos yeux
Est ce rayon de l’essence des dieux,
Cet ascendant, ce charme inexprimable,
Ce trait divin par qui l’homme est aimable,
Ce don de plaire enfin plus souhaité
Que n’est l’esprit, plus sûr que la beauté.
Sur tous nos traits il imprime ses traces ;
Il donne à tout le coloris des graces,
Séduit sans art, enchaîne sans effort,
De la tendresse est l’aimant le plus fort ;
C’est une autre ame à nos ressorts unie,
Qui d’un beau tout compose l’harmonie.
Vous qui portez ce caractère heureux,
Je vous fais roi de l’empire amoureux.
Sans pénétrer jusqu’au sombre rivage,
Sans talisman, sans philtre, sans breuvage,
Sans Canidie et tout l’enfer armé,
Soyez aimable, et vous serez aimé.
Qui sait aimer est plus aimable encore ;
Un cœur sensible est ce qu’un cœur adore :
La beauté plaît ; soutenons ses attraits
Du sentiment, le plus beau de ses traits.
Toi dont l’amour augmentera les charmes,
Qu’un peu d’audace accompagne tes armes ;
Lance tes traits, frappe, et sois convaincu
Qu’on peut tout vaincre, et tout sera vaincu.
La plus rebelle est souvent la plus tendre.
Telle qui feint, et qui languit d’attendre,
D’un feu couvert brûlant au fond du cœur,
Combat d’un air qui demande un vainqueur.
Fières beautés, prudes de tous les âges,
Qui nous vantez vos caprices sauvages,
Écoutez-moi, cet oracle est certain :
On aime un jour, c’est l’arrêt du destin :
Usez des biens que le printemps vous donne :
Un dieu vengeur vous attend à l’automne,