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Le choix d’un cœur veut être balancé.
Une coquette, et brillante et légère,
Plaira toujours par son étude à plaire.
Tendre, naïve, égale en sa pudeur,
La simple Agnès excite plus d’ardeur,
Lorsqu’un amant, l’aidant à se connoître
Par le plaisir lui fait sentir son être.
La prude anime, et plaît à désarmer,
Une mystique excelle à bien aimer.
Dans le plaisir la folle qui s’enflamme
Met plus d’esprit, la rêveuse plus d’ame.
J’aime un caprice et de feintes rigueurs :
Sauvons l’amour du pavot des langueurs.
De l’enjoûment églé fait son partage ;
Lise a le goût, Charite le langage :
Chloé se tait ; mais l’amour dans ses yeux
Met son esprit, qui n’en parle que mieux.

Sur trois états décide ton hommage :
Chloé t’appelle aux moissons du bel âge ;
C’est une fleur qui n’attend que le jour
Qui doit l’ouvrir au souffle de l’amour.
Celle qu’Hymen veut soustraire à tes armes,
Aimant par fraude, aime avec plus de charmes ;
Et, secouant les chaînes d’un jaloux,
Sert mieux l’amant pour mieux tromper l’époux.
D’un deuil frivole écarte le nuage,
Et glane au champ du tranquille veuvage ;
C’est un asile où, sans peine écouté,
L’amant heureux jouit en liberté.
Ce sexe aimable a tout ce qu’on adore ;
Tous les talents l’embellissent encore.
Sur tous les arts ses beaux yeux sont ouverts ;
Vénus instruit, les graces font des vers ;
Sapho, Corinne, ont des sœurs dignes d’elles.
Vois l’ambigu des toilettes des belles ;
Tout ce qui sert l’esprit et les appas,
Livres, atours, bijoux, lyres, compas,
Couvrent l’autel de Flore et de Thalie.
Pourquoi blâmer ce que leur culte allie ?
Ce sont les jeux des amours triomphants ;
Albane eût peint ces folâtres enfants.
L’un, pour servir une flamme secrète,
Contre un jaloux dirige une lunette ;
L’autre en un coin calcule ses désirs,
Ou traite à fond l’essence des plaisirs.
Tel à sa voix joint un clavier sonore ;
Tel autre esquisse un objet qu’il adore.

Suivez, amants, ce qui plaît aux amours :
L’art donne à tous ses utiles secours.
Je sais quel charme il prête à la tendresse :
J’ai vu Daphné, sirène enchanteresse,
Sous un treillage où Bacchus est vainqueur,
Boire, verser et chanter sa liqueur.
J’ai vu Daphné, Terpsichore légère,
Sur un tapis de rose et de fougère,
S’abandonner à des bonds pleins d’appas,
Voler, languir, et, mesurant ses pas,
Tendre aux plaisirs les bras qu’elle déploie.
Telle, en versant le nectar et la joie,
D’un pas léger, sur la voûte des cieux,
La jeune Hébé danse aux festins des dieux :
Ou telle encor, plus vive et plus touchante,
Sallé poursuit Amadis qui l’enchante.
Pour faire un choix, habite aux lieux divers
Où la beauté donne et reçoit des fers.
Vole au grand jour, porte tes yeux avides
Dans ces jardins peuplés de nos armides ;
Cherche ta proie à la ville, à la cour :
Les bals seront des fêtes pour l’amour.
De plus d’objets vois la scène embellie
Chez Melpomène, aux loges de Thalie ;
Sur ce théâtre aux magiques accents,
Où tous les arts enchantent tous les sens ;
Où la beauté, paroissant sous les armes,
Veut, sans rien voir, étaler tous ses charmes.
Tout rit, tout plaît, tout brille en ce séjour,
Le cœur, les sens, l’amour-propre, l’amour ;
Le dieu des ris, celui de la mollesse
De tous les sucs composent une ivresse.
Dans ce chaos d’un monde séducteur
Tout est spectacle, et chacun est acteur.
Monte, et poursuis ta carrière galante :
Vois de la cour la planète brillante ;
Lève tes yeux sur ces astres nouveaux ;
L’illusion va les rendre plus beaux.
Les déités de cet olympe aimable
Auront une ame accessible et traitable :
Tu les verras, mortelles à leur tour,
De la grandeur descendre pour l’amour,
Passer du louvre au tapis des fougères,
Et soupirer ainsi que les bergères.
Beautés, ô vous l’objet de notre choix,
Pour en faire un suivez aussi mes lois ;
Il veut plus d’art, de mystère, et d’attente.
Qu’à son début doit trembler une amante !
Quel embarras suit le don de son cœur !
Et quel tourment, si Jason est vainqueur !
L’amant trop jeune est un zéphyr volage :
L’ambition remplit l’été de l’âge :
Lent à répondre à de jeunes ardeurs,
L’automne arrive, et n’a que des tiédeurs :
Pour le vieillard, insensé s’il est tendre,
Des feux d’amour il n’a plus que la cendre.