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nombre ; en sorte que A aurait réellement du désavantage à parier 28 francs ou plus, contre le propriétaire de cette fortune colossale.

La règle de l’espérance morale, appliquée à cette question[1], conduit à une fixation différente de la somme que A peut jouer, et que l’on trouve alors dépendante de la fortune de A et non de celle de B ; mais il me semble qu’à ce jeu, c’est la possibilité d’être payé intégralement par B, qui doit limiter la somme que A doit lui donner avant que le jeu commence.

(26). Je terminerai ce chapitre par quelques remarques sur l’influence d’une chance favorable à un événement, sans qu’on sache lequel, et qui augmente toujours, comme on va le voir, la probabilité de la similitude des événements dans une série d’épreuves.

Au jeu de croix et pile, par exemple, il y a toujours lieu de croire que la pièce, d’après sa constitution physique, a une tendance un peu plus grande à tomber plutôt sur une face que sur l’autre ; mais on ignore à priori, si c’est croix ou pile dont l’arrivée est favorisée par cette circonstance ; or, cela n’empêche pas qu’elle n’augmente la probabilité que ce sera la même face qui arrivera plusieurs fois de suite.

Pour le faire voir, désignons par la chance relative à la face que la constitution de la pièce favorise, et, conséquemment, par celle de l’arrivée de l’autre face ; de sorte que soit une petite fraction positive dont la valeur est inconnue, et de sorte aussi que l’on ne sache pas laquelle de ces deux chances inégales appartient à croix ou à pile. Si l’on doit jouer un seul coup, on n’aura aucune raison de croire que la face choisie par l’un des joueurs soit la plus ou la moins favorisée ; la probabilité de son arrivée sera donc 1/2, comme si était zéro. Mais si l’on doit jouer deux coups, il y aura de l’avantage à parier pour la similitude des deux faces qui arriveront. En effet, quatre combinaisons pourront avoir lieu : deux pour la similitude, croix-croix et pile-pile ; deux pour la dissimilitude, croix-pile et pile-croix. Les chances des deux premières seront les carrés de et  ; la probabilité que l’une de ces combinaisons aura lieu sera donc, d’après la règle du no 10, la somme de ces carrés, ou

  1. Théorie analytique des probabilités ; page 439.