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A et de B, quoique cette opinion puisse être fondée sur une probabilité moindre que celle qui a motivé l’opinion de B, c’est-à-dire, quoique A ait moins de raison de croire à sa propre opinion, que B à la sienne.

Dans le langage ordinaire, les mots chance et probabilité sont à peu près synonymes. Le plus souvent nous emploierons indifféremment l’un et l’autre ; mais lorsqu’il sera nécessaire de mettre une différence entre leurs acceptions, on rapportera, dans cet ouvrage, le mot chance aux événements en eux-mêmes et indépendamment de la connaissance que nous en avons, et l’on conservera au mot probabilité sa définition précédente. Ainsi, un événement aura, par sa nature, une chance plus ou moins grande, connue ou inconnue ; et sa probabilité sera relative à nos connaissances, en ce qui le concerne.

Par exemple, au jeu de croix et pile, la chance de l’arrivée de croix et celle de l’arrivée de pile, résultent de la constitution de la pièce que l’on projette ; on peut regarder comme physiquement impossible que l’une de ces chances soit égale à l’autre ; cependant, si la constitution du projectile nous est inconnue, et si nous ne l’ayons pas déjà soumis à des épreuves, la probabilité de l’arrivée de croix est, pour nous, absolument la même que celle de l’arrivée de pile : nous n’avons, en effet, aucune raison de croire plutôt à l’un qu’à l’autre de ces deux événements. Il n’en est plus de même, quand la pièce a été projetée plusieurs fois : la chance propre à chaque face ne change pas pendant les épreuves ; mais, pour quelqu’un qui en connaît le résultat, la probabilité de l’arrivée future de croix ou de pile varie avec les nombres de fois que ces deux faces se sont déjà présentées.

(2). La mesure de la probabilité d’un événement, est le rapport du nombre de cas favorables à cet événement, au nombre total de cas favorables ou contraires, et tous également possibles, ou qui ont tous une même chance.

Cette proposition signifie que quand ce rapport est égal pour deux événements, nous avons la même raison de croire à l’arrivée de l’un et à celle de l’autre, et que quand il est différent, nous avons plus de raison de croire à l’arrivée de l’événement pour lequel il est le plus grand.

Supposons, par exemple, qu’une urne A renferme quatre boules blanches et six boules noires, et qu’une autre urne B contienne dix