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CHAPITRE PREMIER.

Règles générales des probabilités.

(1). La probabilité d’un événement est la raison que nous avons de croire qu’il aura ou qu’il a eu lieu.

Quoiqu’il s’agisse, dans un cas, d’un fait accompli, et dans l’autre, d’une chose éventuelle ; pour nous, la probabilité est cependant la même, lorsque tout est d’ailleurs égal dans ces deux cas, en eux-mêmes si différents. Une boule va être tirée d’une urne contenant des nombres de boules blanches et de boules noires qui me sont connus, ou bien, elle a été tirée de cette urne et l’on m’a caché sa couleur ; j’ai évidemment la même raison de croire que cette boule est blanche dans le premier cas, ou qu’elle sera blanche dans le second.

La probabilité dépendant des connaissances que nous avons sur un événement, elle peut être inégale pour un même événement et pour diverses personnes. Ainsi, dans l’exemple qu’on vient de citer, si une personne sait seulement que l’urne renferme des boules blanches et des boules noires, et si une autre personne sait, en outre, que les blanches y sont en plus grande proportion que les noires, cette seconde personne aura plus de raison que la première, de croire à l’arrivée d’une boule blanche, ou, autrement dit, l’arrivée d’une boule blanche aura une plus grande probabilité pour la seconde personne que pour la première.

De là viennent les jugements quelquefois contraires que portent deux personnes sur un même événement, lorsqu’elles ont des connaissances différentes en ce qui le concerne. Si A et B désignent ces deux personnes, et que A sache tout ce qui est connu de B et quelque chose de plus, A portera le jugement le plus éclairé, et c’est son opinion qu’il sera raisonnable d’adopter, quand on devra choisir entre les jugements contraires de