Page:Poisson - Recherches sur la probabilité des jugements en matière criminelle et en matière civile, 1837.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chance d’erreur soit la même pour les juges des deux tribunaux successifs. Quoique cette hypothèse s’écarte peut-être beaucoup de la vérité, je l’ai admise cependant, afin de pouvoir donner un exemple du calcul de l’erreur à craindre dans les jugements civils. La vérité ou le bon droit résulterait de la décision, nécessairement unanime, de juges qui n’auraient aucune chance de se tromper ; dans chaque affaire ce bon droit absolu est une chose inconnue : néanmoins, on entend par des votes et des jugements erronés, ceux qui lui sont contraires ; et la question consiste à déterminer leurs probabilités, et par conséquent, les proportions suivant lesquelles ils auraient lieu, à très peu près et très probablement, dans des nombres de cas suffisamment grands.

On trouve dans le Compte général de l’administration de la justice civile, publié par le gouvernement, le nombre des jugements de première instance qui ont été confirmés par les cours royales, et celui des jugements qu’elles ont cassés, pendant les trois derniers mois de 1831, et les années 1832 et 1833. Le rapport du premier de ces deux nombres à leur somme, est à très peu près égal à 0,68, pour la France entière ; il n’a pas varié d’une année à une autre d’un 70e de sa valeur ; en sorte que malgré la diversité des affaires qui ont dû se présenter, et, sans doute aussi, l’inégale instruction des magistrats de tout le royaume, il a suffi cependant d’environ 8 000 arrêts prononcés annuellement, pour que le rapport dont il s’agit atteignît presque une valeur constante ; ce qui présente encore un exemple bien remarquable de la loi universelle des grands nombres. Dans le ressort de la cour royale de Paris, ce rapport a été sensiblement plus grand et s’est élevé à environ 0,76.

En employant la valeur relative à la France entière, et prenant le nombre sept pour celui des conseillers de chaque cour royale, qui prononcent les arrêts d’appel en matière civile, on trouve un peu plus de 0,68, pour la probabilité qu’un de ces conseillers, ou l’un des juges de première instance, pris au hasard dans tout le royaume, ne se trompera ou ne s’est pas trompé, en opinant dans une affaire, prise aussi au hasard, parmi celles qui sont soumises annuellement aux deux degrés de juridictions. Il est possible, d’ailleurs, que cette probabilité soit différente dans les affaires jugées en première instance et dont les parties n’ont point appelé. D’après cette fraction 0,68, on trouve, en négli-