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damnation est celle d’au moins huit voix contre quatre, la probabilité qu’un condamné est coupable surpasse un peu la fraction 0,98, dans le cas des crimes contre les personnes, et la fraction 0,998, dans le cas des crimes contre les propriétés ; ce qui réduit à un peu moins de deux centièmes et de deux millièmes, les chances d’erreur d’une condamnation prononcée dans l’un et l’autre cas. En ayant égard à la probabilité de n’être point acquitté, il s’ensuit que la chance d’une condamnation erronée est à peu près un cent cinquantième pour un accusé de crime contre les personnes, et seulement quatre dix-millièmes pour un accusé de crime contre les propriétés. On trouve, en même temps, à très peu près 0,72 et 0,82 pour les probabilités de l’innocence d’un accusé dans ces deux cas, lorsqu’il a été acquitté ; et en tenant compte de la probabilité de n’être pas condamné, on trouve aussi, pour la chance qu’un accusé coupable sera acquitté, à peu près 0,18 dans le premier cas, et 0,07 dans le second ; en sorte que sur un très grand nombre d’individus acquittés, il y en a plus d’un sixième, d’une part, et environ un quatorzième de l’autre part qui auraient dû être condamnés.

Dans les sept années écoulées depuis 1825 jusqu’à 1831, le nombre des condamnés à cette majorité d’au moins huit voix contre quatre dans la France entière, a été de près de 6 000 pour des crimes contre les personnes, et d’environ 22 000 pour des crimes contre les propriétés ; d’après les chances d’une condamnation erronée, que l’on vient de citer, il y a donc lieu de croire qu’environ 40 et 9 de ces individus n’étaient pas coupables ; ce qui ferait 7 annuellement. En même temps, le nombre des individus acquittés et coupables a dû être plus de cinquante fois aussi grand, ou égal à environ 360 chaque année, sur le nombre total des accusés qui n’ont pas été condamnés. Mais on ne doit pas perdre de vue le sens que nous attachons à ce mot coupable, qui a été expliqué plus haut, et duquel il résulte que le nombre 7 n’est qu’une limite supérieure de celui des condamnés réellement innocents, tandis que 360 est, au contraire, une limite inférieure du nombre des individus acquittés quoiqu’ils ne fussent point innocents. Ces résultats du calcul, loin de nuire au respect que l’on doit à la chose jugée, et de diminuer la confiance dans les décisions des jurys, sont propres, au contraire, à empêcher toute espèce d’exagération de l’erreur