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juges ont sans doute, leur chance de ne pas se tromper dans leur vote paraît cependant peu différente de celle des jurés. En effet, le cas où la majorité du jury, pour la condamnation, ne s’est formé qu’à sept voix contre cinq s’est présenté 1 911 fois dans la France entière, depuis 1826 jusqu’à 1830 ; les cours d’assises, composées alors de cinq juges, et appelées, dans ce cas, à intervenir, se sont réunies 314 fois à la minorité du jury ; or, le calcul montre qu’elles auraient dû s’y joindre environ 282 fois, en supposant la probabilité de ne pas se tromper égale pour les juges et pour les jurés ; et quoique ces deux nombres 314 et 282 ne soient pas assez considérables pour qu’on puisse décider, avec une très grande probabilité, à quel point cette hypothèse s’écarte de la vérité, leur peu de différence est une raison de penser qu’il doit aussi en exister très peu entre les chances d’erreur des juges et des jurés ; en sorte que pour les jurés, cette chance ne provient pas, comme on pourrait le croire, de leur défaut d’habitude.

Toutes choses d’ailleurs égales, il est évident que la proportion des condamnations diminuerait à mesure que l’on exigerait du jury une plus grande majorité. S’il fallait, comme en Angleterre, l’unanimité des douze jurés, soit pour condamner, soit pour absoudre, et que l’on prît pour les valeurs des deux éléments de la justice criminelle, celles qui se rapportent à la France entière, sans distinction de l’espèce des crimes, la probabilité d’une condamnation différerait peu d’un cinquantième, et celle d’un acquittement serait à peu près moitié moindre ; ce qui rendrait les décisions très difficiles, à moins qu’il n’y eût le plus souvent une sorte d’arrangement entre les jurés, et qu’une partie d’entre eux ne fît le sacrifice de son opinion. On voit même que sans cela, les acquittements unanimes seraient plus difficiles et plus rares que les condamnations, dans le rapport de deux à un. Ce ne serait que dans un nombre de 22 affaires prises au hasard, que l’on pourrait parier un contre un, qu’il y aurait un jugement de condamnation ou d’acquittement, prononcé à l’unanimité[1].

Après le jugement, la probabilité que l’accusé soit coupable est

  1. D’après des documents publiés en Angleterre, et qui paraissent dignes de foi, le nombre des individus traduits annuellement devant les jurys s’est continuellement accru dans ces derniers temps, et le rapport du nombre des condamnations à