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ment sur la nécessité d’une répression plus ou moins forte des différents genres de crimes. Ces deux probabilités distinctes peuvent varier, par conséquent, avec le temps et d’un département à un autre. On a vu comment la valeur de peut se déduire des données de l’observation ; quant à celle de , nous n’avons aucun moyen de la connaître ; et nous pouvons seulement conclure qu’elle augmente ou diminue, toutes choses d’ailleurs égales, lorsque nous voyons le rapport du nombre des condamnés à celui des accusés, diminuer ou augmenter notablement. Ainsi, lorsque la question des circonstances atténuantes a été posée aux jurés et qu’on a vu ce rapport augmenter et passer de 0,54 à 0,59 (no 135), on a dû en conclure qu’ils se sont arrêtés, pour la condamnation, à une probabilité moindre que celle qu’ils exigeaient auparavant, sauf à décider affirmativement la question dont il s’agit, afin d’abaisser d’un degré la peine qui serait prononcée contre les condamnés.

Avant le jugement, la probabilité que l’accusé est coupable surpasse de beaucoup, sans aucun doute, celle que nous avons désignée par  : la plus grande valeur que nous avons trouvée pour celle-ci est à peu près 3/4 ; et personne cependant n’hésiterait à parier bien plus de trois contre un, qu’un individu quelconque est réellement coupable quand il est traduit devant une cour d’assises. Mais ce qu’on a dit à l’égard de convient également à  : il faut aussi entendre que exprime seulement la probabilité, antérieure au jugement, que l’accusé soit condamnable ; probabilité qui peut dépendre, en conséquence, de celle que les jurés exigent pour la condamnation, mais qui est indépendante, par sa nature, de la probabilité qu’un juré ne se trompera pas. Il s’ensuit donc que la valeur de peut varier avec la probabilité , lors même que les formes de l’instruction préliminaire et l’habileté des juges chargés de la diriger, sont restées les mêmes, et quelle que soit d’ailleurs la probabilité . Voici un exemple de cette variation.

Depuis 1814 jusqu’à 1830, les procès criminels étaient jugés, dans la Belgique, par des tribunaux composés de cinq juges, et la majorité de trois voix contre deux suffisait pour les condamnations. En 1830, la composition de ces tribunaux a changé. Dans le courant de 1831,