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pothèses que l’on aurait adoptées. Mais pour la garantie de la société, et celle que l’on doit aux accusés, ce n’est pas cette chance relative à un jugement particulier qu’il importe le plus de connaître ; c’est celle qui se rapporte à l’ensemble des procès soumis aux cours d’assises dans une ou plusieurs années, et qui se conclut de l’observation et du calcul. La probabilité de l’erreur d’un jugement quelconque de condamnation, multipliée par la chance qu’il aura lieu, est la mesure véritable du danger auquel la société expose les accusés non coupables ; le produit de la chance d’erreur d’un acquittement, et de la probabilité qu’il sera prononcé, mesure de même le danger que court la société elle-même, et qu’elle doit également connaître, puisque c’est la grandeur de ce danger qui peut seule justifier l’éventualité d’une injuste condamnation. Dans cette importante question d’humanité et d’ordre public, rien ne pourrait remplacer les formules analytiques qui expriment ces diverses probabilités. Sans leur secours, s’il s’agissait de changer le nombre des jurés, ou de comparer deux pays où il fût différent, comment saurait-on qu’un jury composé de douze personnes, et jugeant à la majorité de huit voix au moins contre quatre, offre plus ou moins de garantie aux accusés et à la société qu’un autre jury composé de neuf personnes, par exemple, pris sur la même liste qu’auparavant, et jugeant à telle ou telle majorité ? Comment déciderait-on si la combinaison qui existait en France avant 1831, d’une majorité d’au moins sept voix contre cinq, avec l’intervention des juges dans le cas du minimum, est plus avantageuse ou moins favorable que celle qui a lieu aujourd’hui, de la même majorité avec l’influence de la question des circonstances atténuantes ? ce qu’au reste on ne peut pas savoir, quant à présent, faute des données de l’observation relatives à l’époque actuelle.

Les formules dont on vient de définir l’objet, et que l’on trouvera dans cet ouvrage, ont été déduites, sans aucune hypothèse, des lois générales et connues du calcul des probabilités. Elles renferment deux quantités spéciales qui dépendent de l’état moral du pays, du mode de procédure criminelle en usage, et de l’habileté des magistrats chargés de la diriger. L’une exprime la probabilité qu’un juré pris au hasard sur la liste du ressort d’une cour d’assises, ne se trompera pas dans son vote ; l’autre est la probabilité, ayant l’ouverture des débats, que l’ac-