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blement d’une année à une autre, pour un même département et sous une même législation ; ce qui montre que dans le ressort d’une cour d’assises, le nombre annuel des procès criminels n’est point assez grand pour que les irrégularités des votes des jurés se balancent, et que le rapport du nombre des acquittements à celui des accusés parvienne à la permanence. Ce rapport varie encore plus d’un département à un autre, et le nombre des procès dans chaque ressort de cour d’assises n’est pas non plus assez considérable pour qu’on puisse décider, avec une probabilité suffisante, quelles sont les parties de la France où les jurys ont plus ou moins de tendance à la sévérité. Il n’y a guère que le département de la Seine où les procès criminels sont assez nombreux pour que le rapport qui s’observe entre les nombres des acquittements et des accusés ne soit pas très variable, et puisse être comparé à celui qui a lieu dans la France entière. Le nombre des individus traduits chaque année devant la cour d’assises de Paris est d’environ 800, ou à peu près le neuvième du nombre correspondant pour tout le royaume. Depuis 1825 jusqu’à 1830, la proportion des acquittements a varié entre 0,55 et 0,40, et sa valeur moyenne n’a été que 0,35, tandis qu’elle s’élevait à 0,39, ou à 0,04 de plus, pour la France entière. Quant au rapport du nombre des condamnations prononcées à la majorité minima de sept voix contre cinq, au nombre des accusés, il a aussi été un peu moindre pour Paris, et s’est seulement élevé à 0,065, au lieu de 0,07 qu’il était pour toute la France, sans distinction de l’espèce de crimes.

Telles sont les données que l’expérience a fournies jusqu’à présent sur les jugements des cours d’assises. Maintenant, l’objet précis de la théorie est de calculer, pour des jurys composés d’un nombre déterminé de personnes, jugeant à une majorité aussi déterminée, et pour un très grand nombre d’affaires, la proportion des acquittements et des condamnations qui aura lieu très probablement, et la chance d’erreur d’un jugement pris au hasard parmi ceux qui ont été ou qui seront rendus par ces jurys. Déterminer la chance d’erreur d’un jugement de condamnation ou d’acquittement prononcé dans un procès connu et isolé, serait impossible selon moi, à moins de fonder le calcul sur des suppositions tout-à-fait précaires, qui conduiraient à des résultats très différents, et, à peu près, à ceux que l’on voudrait, suivant ces hy-