Page:Poisson - Recherches sur la probabilité des jugements en matière criminelle et en matière civile, 1837.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

définition, bien plus propre à éclairer la question, de la chance d’erreur qu’on est forcé d’admettre dans les jugements en matière criminelle. Selon lui, cette probabilité doit être telle qu’il y ait plus de danger pour la sûreté publique, à l’acquittement d’un coupable, que de crainte de la condamnation d’un innocent ; comme il le dit expressément, c’est cette question, plutôt que la culpabilité même de l’accusé, que chaque juré est appelé à décider, à sa manière, d’après ses lumières et son opinion ; en sorte que l’erreur de son vote, soit qu’il condamne, soit qu’il absolve, peut provenir de deux causes différentes : ou de ce qu’il apprécie mal les preuves contraires ou favorables à l’accusé, ou de ce qu’il fixe trop haut ou trop bas la limite de la probabilité nécessaire à la condamnation. Non-seulement cette limite n’est pas la même pour toutes les personnes appelées à juger, mais elle change aussi avec la nature des accusations, et dépend même des circonstances où l’on se trouve : à l’armée, en présence de l’ennemi, et pour un crime d’espionnage, elle sera sans doute beaucoup moins élevée que dans les cas ordinaires. Elle s’abaisse, et le nombre des condamnations augmente, pour un genre de crimes qui devient plus fréquent et plus à craindre pour la société.

Les décisions des jurys se rapportent donc à l’opportunité des condamnations ou des acquittements : on rendrait le langage plus exact en substituant le mot condamnable, qui est toute la vérité, au mot coupable, qui avait besoin d’explication, et que nous continuerons d’employer pour nous conformera l’usage. Ainsi, lorsque nous trouverons, que sur un très grand nombre de jugements, il y a une certaine proportion de condamnations erronées, il ne faudra pas entendre que cette proportion soit celle des condamnés innocents ; ce sera la proportion des condamnés qui l’ont été à une trop faible probabilité, non pas pour établir qu’il sont plutôt coupables qu’innocents, mais pour que leur condamnation fût nécessaire à la sûreté publique. Déterminer parmi ces condamnés, le nombre de ceux qui réellement n’étaient pas coupables, ce n’est pas l’objet de nos calculs ; toutefois il y a lieu de croire que ce nombre est heureusement très peu considérable, du moins en dehors des procès politiques ; on en peut juger, dans les cas ordinaires, par le nombre très petit de condamnations prononcées par les jurys, contre lesquelles l’opinion publique se soit élevée ; par le petit