Page:Poisson - Recherches sur la probabilité des jugements en matière criminelle et en matière civile, 1837.djvu/22

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

celle qui se rapporte à la probabilité des jugements, ou, en général, des décisions rendues à la pluralité des voix. Condorcet est le premier qui ait essayé de la déterminer. Le livre qu’il a écrit sur ce sujet[1], avait été entrepris du vivant et à la demande du ministre Turgot, qui concevait tout l’avantage que les sciences morales et l’administration publique peuvent retirer du calcul des probabilités, dont les indications sont toujours précieuses, lors même que, faute de données suffisantes de l’observation, il ne peut conduire aux solutions complètes des questions. Cet ouvrage renferme un discours préliminaire fort étendu, où l’auteur expose, sans le secours des formules analytiques, les résultats qu’il a obtenus, et où sont développées avec soin les considérations propres à montrer l’utilité de ce genre de recherches.

Dans son Traité des probabilités, Laplace s’est aussi occupé du calcul des chances d’erreur à craindre dans le jugement rendu contre un accusé, à une majorité connue, par un tribunal ou un jury composé d’un nombre de personnes également connu. La solution qu’il a donnée de ce problème, l’un des plus délicats de la théorie des probabilités, est fondée sur le principe qui sert à déterminer les probabilités des causes diverses auxquelles on peut attribuer les faits observés ; principe que Bayes a présenté d’abord sous une forme un peu différente, et dont Laplace a fait ensuite le plus heureux usage, dans ses mémoires et dans son traité, pour calculer la probabilité des événements futurs d’après l’observation des événements passés ; mais, en ce qui concerne le problème de la probabilité des jugements, il est juste de dire que c’est à Condorcet qu’est due l’idée ingénieuse de faire dépendre la solution, du principe de Bayes, en considérant successivement la culpabilité et l’innocence de l’accusé, comme une cause inconnue du jugement prononcé, qui est alors le fait observé, duquel il s’agit de déduire la probabilité de cette cause. L’exactitude de ce principe se démontre en toute rigueur ; son application à la question qui nous occupe, ne peut non plus laisser aucun doute ; mais pour cette application, Laplace fait une hypothèse qui n’est point incontestable : il

  1. Essai sur l’application de l’analyse à la probabilité des décisions rendues à la pluralité des voix.