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phénomène, quand il y en a plusieurs auxquelles on pourrait l’attribuer.

Lorsque P n’a pas eu lieu dans une ou plusieurs épreuves, et que l’on est certain, cependant, que la cause C capable de le produire nécessairement, si elle existait, aurait dû agir dans toutes ces expériences, il est évident que cette cause, ni aucune autre cause de cette espèce, n’existe pas. Mais outre les causes de cette nature, il en existe d’autres qui agissent à toutes les épreuves, et sont seulement capables de donner une certaine chance à l’arrivée d’un phénomène P (no 27), en se combinant, soit avec le hasard, soit avec des causes variables, qui tantôt agissent et tantôt n’agissent pas. Ces causes variables et irrégulières, que l’on ne doit pourtant pas confondre avec le hasard, peuvent influer sur la chance moyenne de l’arrivée de P dans une longue suite d’expériences, et par suite (no 52), sur le nombre de fois que P a eu lieu ou aura lieu, divisé par le nombre total des épreuves ; mais si l’on a pris soin de diminuer, autant qu’il est possible, l’influence des causes accidentelles, de sorte qu’on puisse la supposer sensiblement nulle, et si le phénomène P a été observé un nombre de fois dans un très grand nombre d’épreuves, il y aura une très grande probabilité qu’il existe une cause permanente, favorable ou contraire à la production de ce phénomène, selon que sera notablement plus grand ou plus petit que la moitié de .

Ainsi, en prenant pour exemple, le cas d’un corps à deux faces, projeté en l’air un très grand nombre de fois, l’existence d’une cause favorable ou contraire à l’arrivée d’une face déterminée, peut être regardée comme extrêmement probable, lorsque les nombres de fois que les deux faces sont arrivées diffèrent notablement l’un de l’autre, comme dans l’expérience de Buffon précédemment citée (no 50). Quelle est cette cause permanente ? Le calcul des probabilités nous en montre seulement la nécessité, et ne peut nous en indiquer la nature. Ce sont les lois de la mécanique qui nous font voir qu’elle doit être la supériorité du poids dans une des parties du corps projeté, sans nous apprendre toutefois, à raison de la complication du problème, à déterminer les effets d’une pareille cause, et la chance qu’elle donne à l’arrivée de chacune des deux faces, qui ne peut être connue que par l’expérience.