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ce que nous appelons cause et effet ; et ce concours n’est pour nous qu’une forte présomption, résultant de ce que nous l’avons observé un grand nombre de fois : si nous l’eussions observé un nombre de fois peu considérable, ce serait juger de la nature sur un trop petit échantillon, que de présumer qu’il se reproduira désormais. D’autres ont partagé la même opinion, et l’ont appuyée sur les règles de la probabilité des événements futurs, d’après l’observation des événements passés. Mais Hume va plus loin ; et sans même recourir à ces lois de probabilité, il pense que l’habitude de voir l’effet succéder à la cause, produit dans notre esprit une sorte d’association d’idées qui nous porte à croire que l’effet va arriver quand la cause a eu lieu ; ce qui peut être effectivement vrai pour la plupart des hommes, qui n’examinent pas le principe de leur croyance et son degré de probabilité : pour eux, cette association d’idées doit être comparée à celle qui se fait dans notre esprit, entre le nom d’une chose et la chose même, et qui est telle, que le nom nous rappelle la chose, indépendamment de notre réflexion et de notre volonté.

Un des exemples que l’auteur choisit pour expliquer son opinion est le choc d’un corps en mouvement contre un corps libre et en repos, et le mouvement de ce second corps à la suite de sa rencontre par le premier. Ce concours du choc et du mouvement du corps choqué est, en effet, un événement que nous avons observé un très grand nombre de fois, sans que l’événement contraire se soit jamais présenté ; ce qui suffit, abstraction faite de toute autre considération, pour que nous ayons une forte raison de croire, ou, pour qu’il y ait une très grande probabilité que le concours dont il s’agit aura encore lieu désormais. Il en est de même de tous les concours de causes et d’effets que nous observons journellement et sans exception : leur probabilité s’alimente, pour ainsi dire, par cette expérience continuelle, et la raison ou le calcul, d’accord avec l’habitude, nous donne une grande assurance qu’à l’avenir ces causes seront toujours suivies de leurs effets. Mais dans le cas d’un phénomène que nous avons seulement observé un nombre de fois peu considérable, à la suite de la cause que nous lui assignons, il n’y aurait, d’après les règles précédemment exposées, qu’une probabilité qui ne serait pas très grande, pour le concours futur de cette cause et de cet effet. Néanmoins, il arrive souvent que nous ne faisons