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se trompe pas, n’est point nulle : ce témoin n’ayant, dans ce cas, aucune notion sur l’événement arrivé, la probabilité qu’il annonce le numéro réellement sorti, est  ; par la même raison, c’est aussi la valeur de son témoignage ; et en effet, si l’on fait et , dans la formule précédente, il vient . Cette valeur de rend nul le facteur de , et réduit, par conséquent, la probabilité de la sortie du no  à , c’est-à-dire, à la chance propre de cet événement, comme cela doit être évidemment.

(41). Au moyen de la règle relative à la probabilité des causes, nous pouvons actuellement compléter ce qui a été dit à la fin du no 7, sur la tendance de notre esprit à ne pas douter que certains événements n’aient une cause spéciale, indépendante du hasard.

Lorsque nous avons observé un événement qui avait en lui-même une très faible probabilité ; s’il présente quelque symétrie, ou quelque autre chose de remarquable, nous sommes naturellement portés à penser qu’il n’est pas l’effet du hasard, ou plus généralement de la cause unique qui lui donnerait cette faible chance, mais qu’il est dû à une cause plus puissante, telle que la volonté de quelqu’un qui aurait eu un but particulier en le produisant. Si, par exemple, nous trouvons sur une table, en caractères d’imprimerie, les 26 lettres de l’alphabet, rangées dans l’ordre naturel a, b, c,… x, y, z, nous ne faisons aucun doute que quelqu’un ne les ait ainsi disposées par un acte de sa volonté ; cependant cet arrangement n’est pas en lui-même plus improbable que tout autre qui ne nous présenterait rien de remarquable, et que pour cette raison nous n’hésiterions pas à attribuer au seul hasard. Si ces 26 lettres devaient être tirées successivement et au hasard, d’une urne où elles seraient renfermées, il y aurait la même chance qu’elles arriveraient dans l’ordre naturel, ou dans un ordre déterminé d’avance, comme celui-ci b, p, w,… q, a, t, que je choisis arbitrairement : cette chance serait aussi petite, mais pas moindre, pour le premier arrangement que pour le second. De même, si une urne renferme, en nombres égaux, des boules blanches et des boules noires, et qu’on en doive extraire successivement 30 boules, en y remettant à chaque fois la