Page:Poisson - Recherches sur la probabilité des jugements en matière criminelle et en matière civile, 1837.djvu/101

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

damment de leurs nature particulière et sous le seul rapport de la grandeur des chances qu’elles produisent ; et c’est pour cela que ce calcul s’applique également aux choses morales et aux choses physiques. Toutefois, dans la plupart des questions, la chance que détermine une cause donnée C n’est pas connue à priori, et la cause même d’un événement ou de sa chance est quelquefois inconnue : si la chance est constante, on la détermine, comme on le verra par la suite, au moyen d’une série d’épreuves suffisamment prolongée ; mais dans le vote d’un juré, par exemple, la chance d’erreur varie d’un juré à un autre, et sans doute, pour un même juré, dans les différentes affaires ; et la répétition des épreuves, pour chaque juré et chaque espèce d’affaires, étant impossible, ce n’est pas la chance d’erreur propre à un juré que l’on peut déduire de l’observation, mais bien, comme on le verra par la suite, une certaine probabilité, relative à l’ensemble des jurés de tout le ressort d’une cour d’assises, et qu’il lui suffira de connaître pour la solution des problèmes qui sont l’objet spécial de cet ouvrage.

Il y a souvent plusieurs causes différentes qui peuvent amener, en se combinant avec le hasard, un événement donné E ou l’événement contraire F ; avant que l’un ou l’autre de ces deux événements ait eu lieu, chacune de ces causes a une certaine probabilité, qui change après que E ou F a été observé ; or, en supposant connue la chance que chacune des causes possibles donnerait, si elle était certaine, à l’arrivée de E ou de F, nous allons déterminer d’abord les probabilités de toutes ces causes après l’observation, et ensuite la probabilité de tout autre événement futur, dépendant des mêmes causes que E et F.

(28). Soit donc E un événement observé. On suppose que son arrivée peut être attribuée à un nombre de causes distinctes, que ces causes sont les seules possibles, qu’elles s’excluent mutuellement, et qu’avant l’observation, elles étaient toutes également probables. L’arrivée de E a rendu ces causes hypothétiques inégalement probables ; il s’agit de déterminer la probabilité de chacune d’elles, résultante de l’observation ; ce qu’on fera au moyen du théorème suivant.

La probabilité de chacune des causes possibles d’un événement observé est égale à celle que cette cause donnerait à l’événement, si elle était certaine, divisée par la somme des probabilités de cet événement qui résulteraient pareillement de toutes les causes auquel on peut l’attribuer.