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L’ensemble des causes qui concourent à la production d’un événement sans influer sur la grandeur de sa chance, c’est-à-dire, sur le rapport du nombre de cas favorables à son arrivée au nombre total des cas possibles, est ce qu’on doit entendre par le hasard. Ainsi, par exemple, aux jeux de dés, l’événement qui arrive à chaque coup, est la conséquence du nombre des faces, des irrégularités de formes et de densité que le peut présenter, et des agitations nombreuses qu’on lui fait subir dans le cornet. Or, ces agitations sont des causes qui n’influent nullement sur la chance de l’arrivée d’une face déterminée ; elles ont pour objet de faire disparaître l’influence de la position du dans le cornet avant ces mouvements, dans la crainte que cette position initiale ne soit connue de l’un des joueurs ; et quand ce but est atteint, la chance relative à l’arrivée de chaque face, ne dépend plus que du nombre des faces, et des défauts du qui peuvent rendre les chances inégales pour les faces différentes. On dira qu’une chose est faite au hasard, lorsqu’elle est exécutée sans rien changer aux chances respectives des divers événements qui peuvent arriver. Une urne renfermant des boules blanches et des boules noires, on en tirera une boule au hasard, si l’on ne regarde pas leur disposition dans l’intérieur de l’urne avant d’y porter la main : en supposant toutes les boules d’un même diamètre, la chance d’amener une boule blanche ne pourra évidemment dépendre que du nombre de boules blanches et du nombre de boules noires ; et l’on démontre qu’elle est égale au rapport du premier de ces deux nombres à leur somme.

La cause C peut être une chose physique ou une chose morale : au jeu de croix et pile, c’est la constitution physique de la pièce qui donne une chance généralement peu différente de 1/2 l’arrivée de croix ou à celle de pile ; dans un jugement criminel, la chance de la vérité ou de l’erreur du vote de chaque juré est déterminée par sa moralité, en comprenant, dans cette cause, sa capacité et sa conscience. Quelquefois la cause C résulte du concours d’une chose morale et d’une chose physique : par exemple, dans chaque espèce de mesures ou d’observations, la chance d’une erreur de grandeur donnée, dépend de l’habileté de l’observateur et de la construction, plus ou moins parfaite, de l’instrument dont il fait usage. Mais, dans tous les cas, les diverses causes des événements sont considérées, dans le calcul des probabilités, indépen-