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Sur le bord des grands lacs, au sein des vastes plaines
Que foulaient les bisons aux sauvages haleines,
Sur la côte où l’orange étend ses grappes d’or,
Dans les sombres forêts dont le sol vierge encor
Va frémir sous l’effort des semences prochaines,
Sur les sommets rocheux où poussent les vieux chênes,
Partout où le destin aveugle les conduit
Le spectre de la France est là qui les poursuit ;
Ou plutôt sa grande ombre en tous lieux les précède
Et comme un cauchemar sans pitié les obsède :
Car devant eux se dresse un étrange passé ;
Où se portent leurs pas nos aïeux ont passé !
Marquette et Joliet, Vérandrye et Lasalle
Font surgir du désert leur œuvre colossale.
Le Germain qu’enivra la clameur des canons
Se trouble au souvenir de ces glorieux noms,
Et lisant nos récits d’héroïque souffrance,
Demande, plein d’émoi : « Qu’est-ce donc que la France ? »
La France est un apôtre, et si vous l’ignorez,