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Ils s’en vont soucieux. Ah ! plus d’un sombre drame
Se lit dans tous ces cœurs ulcérés. Plus d’une âme
Exhale un long sanglot trop longtemps contenu ;
Car ce pays lointain pour eux c’est l’inconnu.
C’est l’inconnu qui s’offre avec tout son mystère
De travaux à poursuivre ou de douleurs à taire,
De fortune à tenter dans ce vaste pays
Qui va bientôt paraître à leurs yeux ébahis.
Mais ce sombre inconnu pour eux vaut mieux encore
Que la guerre qui tue ou l’impôt qui dévore.
Aussi ces exilés, courbant leurs fronts altiers,
Plutôt qu’être soldats sont prêts à tous métiers.
Pourtant de bien des yeux, faiblesses fugitives,
S’échappent, dans la nuit, quelques larmes furtives ;
Plus d’un cœur, s’est gonflé, car plus d’un souvenir
Vers les champs délaissés les a fait revenir ;
C’est qu’on quitte à jamais une terre chérie,
Et, malgré les impôts, c’est toujours la patrie
Qu’on ne voit plus des yeux, mais qu’on porte en son cœur,