Page:Poisson - Heures perdues, 1895.djvu/221

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 208 —

Minotaure moderne, a décimé naguère
Les familles en pleurs et les foyers en deuil,
Et fait de la Champagne un immense cercueil.
Bourreaux de la Lorraine, oppresseurs de l’Alsace,
Ils ont des bords du Rhin proscrit toute une race,
Et Metz sanglote encor, Strasbourg est frémissant,
Et Sédan veut laver sa honte dans leur sang.
Ils ont, malgré la nuit, vu rayonner la France,
Se relevant sereine et pleine d’espérance,
Et cachant dans les plis de ses nouveaux drapeaux
Un mot qui les effraie et trouble leur repos.
Ô Germains, l’herbe à peine a poussé sur vos tombes
Que vos fils prévoyant les sombres hécatombes
De la lutte à venir, dans un pays lointain
En foule vont chercher un paisible destin.
Ils s’en vont soucieux ; le vaisseau les emporte,
Vieillard aux cheveux blancs ou jeune fille accorte
Qui peut-être là bas laissa, le cœur troublé,
Un amant dans l’armée, un père mutilé…