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Le vaisseau, fatigué par ce double aiguillon,
Se creuse avec effort un mobile sillon.
Voici plus de huit jours que d’un lointain rivage
Il partit, peint à neuf, pour ce rude voyage :
Voici plus de huit jours qu’entre l’onde et les cieux,
Comme un brûlot battu des vents capricieux,
Et jouet de la vague, il lutte avec adresse
Sans avoir amené ses signaux de détresse.
Il a vaincu la mer dont le vaste roulis
À failli l’engloutir dans ses mobiles plis.
Fatigué du gros temps l’équipage sommeille.
Un puissant réverbère est à l’avant qui veille
Et défend le vaisseau de l’abordage affreux.
À l’arrière quelques marins causent entre eux
Du port qu’ils ont laissé, de la rive lointaine
Où les pousse aujourd’hui la fortune incertaine.
Les autres plus lassés sur le pont sont blottis
Et dorment. C’est la nuit. Sauf le lourd clapotis
De l’onde sur les flancs du navire intrépide,