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Les générations se succèdent, s’entassent
Sans repos d’un moment, comme les flots qui passent.
Mais ces derniers du moins n’ont-ils pas leur reflux ?
Vers leur source nos jours ne nous ramènent plus !
Toujours mûr est l’épi, la moisson toujours prête
Pour le Temps sans pitié, faucheur que rien n’arrête ;
Et comme on voit la plaine onduler sous les vents,
Son souffle cloue au sol la tourbe des vivants !
La poussière des morts couvre la terre entière
Et ce globe n’est plus qu’un vaste cimetière !
Cherchez la forêt vierge où l’on ne trouve pas
Les vestiges de l’homme et l’œuvre du trépas !
Ossuaire sans fin, les cimes et les plaines
Sont, du nord au midi, d’ossements toutes pleines ;
Et sur tout cet humus entassé par le temps,
Se croyant immortels, les humains haletants
Pour les siècles futurs élèvent leurs demeures,
Quand la mort sans merci leur dispute les heures !