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Des mots harmonieux l’assemblage magique
Serait un jeu frivole en ce siècle énergique ?
Le rêve au vol si doux ne serait qu’un travers,
Et compter vaudrait mieux que d’aligner des vers ? »


Ainsi, se défiant de son œuvre imparfaite,
Et doutant de son art, soupirait un poète.
Pour descendre au niveau des esprits de son temps,
Il a fait taire en lui tes rhythmes éclatants,
Ô Muse ! et maîtrisant tes strophes immortelles,
Au sol il a cloué tes palpitantes ailes.
Debout à son comptoir, tout le jour, sans repos,
Voyez-le par colonne entasser les zéros !
Le théorème ardu, la science des nombres
Entraînent sa pensée en leurs dédales sombres ;
Et ce rêveur d’hier, traître au premier devoir,
Se débat, impuissant, dans le Doit et l’Avoir.