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Tous les Prussiens marchaient vers Paris à grands pas
« Un héros ne meurt point ! disais-je en mon délire !
Mais un scélérat tombe, on peut le lui prédire. »
Frappé par une balle, on me vit chanceler,
Me roidir sur la neige, et tout bas appeler…
Nul n’entendit ma voix… Passait une corneille :
Elle vint… et son bec me déchira l’oreille.
Resté seul, près de moi s’élevaient des tombeaux
Sur le tertre desquels planaient d’affreux corbeaux.
Et je les comparais, tous ces oiseaux voraces,
Aux monarques unis pour détruire les races…
Je vis un homme en deuil… un second et puis trois ;
Ils semblaient murmurer contre le jeu des rois.
C’étaient des gens âgés, d’assez forte encolure.
N’ayant pour tout habit qu’une robe de bure[1].
Ils enterraient les morts avec un saint respect,
Et moi, vil criminel, tremblant à leur aspect,
J’évitais leurs regards… L’un d’eux me dit : « Mon frère,
Au péril nous venons doucement vous soustraire ;
Laissez-moi vous panser… » J’eus un moment d’émoi ;
Car j’étais étonné qu’on eût pitié de moi,

  1. Les Frères de la doctrine chrétienne dont la conduite et le dévouement ont mérité les plus grands éloges.