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deux poulains pour emmener du blé au Neubourg. Le cours n’est pas mauvais en ce moment. Moi, j’irai avec la bourgeoise et la gamine qui va se marier dans une quinzaine avec Perrot de Braye.

Braye est un village situé exactement entre le Neubourg et Beaumont-le-Roger.

— C’est bon, maître, on sera prêt.

— À propos, il faudra que ta femme soit de la noce. Elle trouvera bien à faire garder ses deux mioches. Elle connaît des chansons rigolo, ça réjouira l’assistance.

— Je vous remercie bien pour elle, monsieur Beauvoisin.

— Y a pas de quoi, Gâs. Faut bien que tout le monde s’amuse, pas vrai ? Pourquoi qu’elle resterait à se morfondre chez elle, quand tu prendrais du plaisir ?

— Vous avez raison, maître.

— Oui comme dit la chanson : « Brigadier, vous avez raison. »

Et il s’en alla à grands pas par les champs, heureux de faire partager à tous la joie qu’il éprouvait en mariant sa fille.

Le lendemain, de grand matin, Giraud, avec deux camarades, chargea le blé dans la gribane à laquelle il attela les deux poulains, des percherons magnifiques, à l’encolure puissante, destinés vers quatre ans à la remonte des omnibus parisiens.

Tous les gros cultivateurs agissent de même. Ils achètent à un an aux foires du Neubourg les produits de gros trait ; ils les élèvent dans les pâturages jusqu’à deux ans, puis les dressent au labour, à la charrette, voire à la carriole.

Ces jeunes bêtes mènent à bien tous les travaux agrestes ; à quatre ans, quelquefois à cinq, ils les revendent avec un bon bénéfice.

Aussi les charretiers doivent être choisis avec soin. Ils forment même une catégorie spéciale de travailleurs. Il est nécessaire qu’ils soient jeunes, vigoureux et agiles, car les poulains ne se manient pas comme les vieux chevaux.

Giraud avait pour conduire cette jeunesse une main heureuse.

Et, s’il avait voulu, il aurait pu vivre très facilement du