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Il avait suivi un sentier qui aboutissait à une mare minuscule, située sous bois, dans laquelle les cerfs ne viennent presque jamais se faire prendre.

Le dix-cors était au beau milieu, couvert par les chiens dont il ne pouvait se débarrasser, et tout à coup il sombra dans l’eau. Il n’avait pas eu le temps d’aller jusqu’à la mare des saules.

Les piqueurs arrivaient au galop. Stupéfaits d’une prise aussi précoce, ils écartèrent les chiens du cerf noyé à grands coups de fouet et sonnèrent l’hallali.

Les bûcherons avaient quitté leur travail et Giraud fils, retroussant son pantalon, pénétra le premier dans l’eau. Il fut suivi par Lanfuiné qui l’aida à pousser le corps vers le bord où les camarades attendaient pour le hisser sur le talus qui entourait la flaque d’eau sale.

Et Billoin sacra comme un damné :

— Tonnerre de Dieu ! mille bombes ! sacré sort ! ils lui ont foutu une balle dans la cuisse. Ah ! ben, j’suis propre. C’est sur ma garderie. Le marquis va m’en dire. Pour sûr que c’est quelqu’un qui m’en veut.

Et il regardait attentivement le fils Giraud impassible dont les yeux semblaient ne pouvoir quitter le cadavre du cerf. Puis il dit très simplement :

— C’est tout de même cochon de faire un coup comme ça. N’y avait aucun profit.

« N’y avait aucun profit », cette phrase parut impressionner Billoin.

— C’est vrai tout de même, fit-il ; c’est pour cela que je disais qu’il y a de la vengeance là-dessous. Tonnerre de Dieu ! Sacré sort ! Enfin, conclut-il, rira bien qui rira le dernier.

Mais le marquis survenait suivi de toute la chasse.

— Comment, Philibert, dit-il au premier piqueur, déjà servi ? Comment se fait-il qu’on n’ait pas attendu ces dames ? À peine une demi-heure de chasse. C’est incroyable. Cela ne s’est jamais vu.

— Mais, monsieur le marquis, répondit Philibert, personne ne l’a servi. Nous l’avons trouvé noyé dans la mare.