n’est point mon affaire et puis j’ai pas le temps de vous écouter.
Mais le garde poursuivait son histoire :
— Des gens bavards m’ont dit que les noceux du Lion d’Or l’avaient trouvé par trop dur.
— Qui vous a conté ça ?
— Tiens, vous êtes donc au courant de la chose ?
— À la fin, vous m’embêtez, s’écria Estelle. Vous me causez, j’vous réponds. Pour lors, vous cherchez des malices où y en a pas. Bonsoir, Billoin.
— Voyons, avant de vous sauver, qu’est-ce que vous avez dans votre panier ?
Il savait qu’elle allait souvent visiter les collets tendus par son mari, emportant le gibier qui s’était laissé prendre.
Comme elle n’avait rien à redouter, elle fut insolente :
— Ça ne vous regarde pas.
— Ah ! ça ne me regarde pas ; ben ! je veux voir tout de même.
— Tenez, vieux curieux, puisqu’il n’y a pas moyen de faire autrement.
Elle ouvrit son panier et se mit à rire aux éclats :
— Là, êtes-vous content ?
— C’est bon, c’est bon, fit le garde, vexé. Mais vous vous soignez ben, la petite mère. Deux bouteilles de cognac ! fichtre ! Allons, bonsoir. Dites pourtant à Giraud que je sais qui a descendu le vieux cerf du Val-Monnier et qu’il fera bien de faire attention que je ne le pince pas.
— Dans quel but que je lui conterais vos bêtises ? Quand on travaille honnêtement, on n’a pas besoin d’autre chose.
Et elle s’en alla clopin-clopant, très en colère, sa béquille frappant avec vigueur le sol pierreux du sentier.
Quand Giraud rentra, le soir, sa journée terminée, il lui trouva la figure toute bouleversée.
— Qui que t’as comme ça ?
Alors elle écoula toute la colère qu’avaient suscitée en elle les observations malveillantes du garde.
— Faudra prendre garde à toi, mon homme. Billoin, que j’ai rencontré dans la forêt, m’a dit qu’il connaissait celui qui a tué le vieux rusé.