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lesquelles bataille en vain la civilisation depuis des siècles. La galette ne saurait toujours appartenir aux mêmes, puisque contre la mort il n’y a point de remède qui agisse souverainement.

L’homme sans doute a essayé de combattre cette destinée implacable par la famille et l’organisation des gouvernements.

Mais un fils prodigue succède au père avare ou aux pères avares ; car, il faut quelquefois une, deux, trois générations pour que la nature reprenne ses droits. Puis, dans le cours d’un siècle, qui est l’année d’un peuple, les institutions se modifient malgré la perfection des règles établies primitivement, quand la forme même du régime n’est pas entièrement détruite.

Toutefois les familles des braconniers sont moins stables que les bourgeoises, comme les bourgeoises ont une durée moindre que les peuples.

Aussi doivent-elles pour se maintenir faire d’incessants efforts. C’est ce à quoi pensait la Giraud, tandis qu’elle gravissait une côté vers le sommet de laquelle serpentait sous les pins un sentier bordé par les bruyères.

Un troupeau de biches conduites par deux cerfs passa, sorte de bourrasque vivante, avec un bruit de branches brisées et de feuilles sèches foulées.

Elle les regarda bondir jusqu’à ce qu’elle ne les vît plus dans le taillis, puis soupira comme si elle avait eu une vision subite de l’avenir.

Et sa conclusion fut celle-ci :

— On était tout de même plus tranquille à la ferme Beauvoisin.

— Eh ben ! à quoi que vous pensez, la Giraud, s’écria un garde qu’elle n’avait point vu approcher ?

Cette apparition la médusa. Précisément elle songeait à la lutte perpétuelle engagée entre les braconniers et les gardes. Et voilà qu’un de ces derniers surgissait devant elle