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— C’est facile, chef, dit-il. On va suivre leurs traces dans la fougère que les bêtes ont couchée à la place où elles ont tombé.

— À quoi ça nous avancera-t-il ?

— À rien, pour savoir.

Et le garde commença ses investigations. Chez l’homme qui fréquente les bois, le sens de l’observation, sens moral au service duquel sont attachés les cinq sens matériels, est très développé. Les traces laissées sur le sol par les animaux n’ont pas de secrets pour lui. Il vous dira : « Un lièvre a passé là, voilà le pied d’un dix-cors. » Le sol est pour lui un livre qu’il lit couramment.

— Tenez, chef, disait Beaupré, voilà une de leurs foulées, ça fait une ; je continue en travers où je vais retrouver les autres qui aboutissent toutes forcément à la route. Et de deux. Voici la troisième. Bigre, il y en a encore une quatrième. Je crois que c’est tout, mais je vais cependant jusqu’au chemin qui tombe au carrefour des quatre routes.

Tout à coup il buta et tomba en jurant et sacrant, puis ses camarades l’entendirent s’écrier :

— Tonnerre de Dieu ! qu’est-ce que c’est que ça ?

Ça, c’était le cadavre du pauvre Laurent. Il héla ses collègues.

— Hé là-bas ! venez donc par ici. C’est pas un cornard ni une biche, c’est un homme.

Tous accoururent.

Beaupré se disposait à relever le corps.

— N’y touchez pas, bon sang ! s’écria Loriot. Faut aller chercher les gendarmes.

— Mais s’il n’était pas mort ?

— Taisez-vous, il est presque froid.

— Qui que ça peut être ?

— Je n’en sais pas plus long que vous là-dessus. On le reconnaîtra toujours plus tard. Mais je vois bien de quoi il retourne. C’est leur « rabatteur » qu’ils ont canardé. Vous, Billoin, allez avec Bizais réveiller le brigadier. Ah ben ! Vous avez tout de même eu une fichue idée. Beaupré. Sans vous, nous étions foutus. Monsieur le marquis en aurait fait