Cependant, pour plus de précautions, elle étouffa la braise dans la cendre et sortit enfin en ayant soin de fermer sa chambre à clef comme elle faisait d’ailleurs tous les jours.
Puis, tranquille comme si rien d’extraordinaire ne lui était arrivé, elle aborda la besogne habituelle.
Maître Beauvoisin trouva à son lever sa soupe fumante qui l’attendait, et elle était si appétissante qu’il complimenta Estelle :
— Mâtin ! voilà de la bonne soupe.
— Vous croyez, not’e maître.
— Bien sûr que je crois, ma fille ; faut me la faire toujours comme ça.
Ce fut Loriot qui trouva le cadavre de Billoin. Les deux coups de fusil avaient fait balle ; l’un avait emporté un morceau du poumon droit et l’autre avait réduit le cœur en bouillie.
Le garde-chef alla chercher Bizais pour prévenir la gendarmerie.
— Je lui avais bien dit, s’écria Loriot, que sa chasse aux braconniers lui porterait malheur. Ce cochon de cerf de la Saint-Hubert a causé la mort de deux hommes.
Le parquet fut averti et le juge d’instruction donna la vengeance comme mobile probable du crime ; mais ce ne fut pas l’avis du procureur qui ne vit là qu’une répétition pure et simple du premier drame.
Enfin on suivit les deux pistes : les gendarmes se rendirent immédiatement chez le roi des braconniers.
Par bonheur pour lui le père Giraud était atteint depuis quatre jours d’une pneumonie qui lui interdisait toute sortie ; il délirait même quelque peu.
Le procureur triompha :
— Vous voyez, disait-il au juge, vous voyez, mon cher ami, que nous nous trouvons simplement en face d’un crime commis par un braconnier surpris par le garde.
— Mais les braconniers, objecta le juge, n’ont pas l’habitude d’aller à l’affût auprès des maisons des gardes. Or la victime a été frappée à quelques mètres de son habitation, près de la porte de sortie.
— Mais, mon cher juge, il n’y avait qu’une personne